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Les Amis de la chapelle Saint-Jean-Baptiste à CHATEAU-ARNOUX/SAINT-AUBAN
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21 mars 2014

"L'ART" dans les Eglises et Chapelles. "le génie du lieu": la chapelle Saint Jean Château-Arnoux

Echo d’un diocèse : Rubrique du Frère Philippe MARKIEWICZ, Moine de l’Abbaye de Ganagobie.

Découvrir ce qui se vit de l’art en église :

Château-Arnoux, la chapelle Saint- Jean

Une minuscule chapelle isolée. Un site grandiose et inspiré, où semble se résumer le "génie du lieu" des Alpes-de-Haute-Provence : adossée aux dernières collines du pays de Forcalquier, dominant de trois cent mètres la vallée de la Durance, elle fait face à la masse sombre des premiers sommets alpins.

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 La surprise est totale lorsqu’on passe la petite porte. L’espace de lumière, sous l’entrelacement des courbes d’une voûte immaculée, est habité par l’étonnante présence d’un mobilier liturgique contemporain. Ses lignes sombres et rigides dessinent une puissante symétrie qui converge vers un autel d’une audacieuse architecture : une dalle d’acier se tient là, dans un parfait et fragile équilibre, comme le fléau d’une balance sur un étroit couteau, et engendre à son tour, autour de lui, un fort sentiment d’équilibre tant physique que psychique. Et l’émotion fait place à la surprise de la rencontre. Par cette alliance de la force statique et du vide lumineux, de la puissance et de la douceur, cet espace n’est-il pas la " concrétisation " du génie du lieu qui avait été pressenti en s’approchant ?

 Mais la recherche de l’équilibre serait insignifiante sans l’oblique de la croix, seul élément dynamique de l’ensemble ; sans aussi la présence juste, à la fois forte et discrète, de la statue de Saint Jean-Baptiste (œuvre saint sulpicienne de qualité repeinte du même blanc que les murs), et sans l’ouverture des vitraux, dont les courbes peuvent évoquer le tracés d’un chemin dans le désert. La croix suscite l’étonnement, et sa signification s’enrichit de multiples résonances. Elle est d’abord à taille humaine : à la fois croix du Golgotha et croix du disciple, déposée là le temps d’une pause, d’une station. On se l’approprie, et il faudra la reprendre. Mais elle évoque aussi cette grande croix-bâton que l’iconographie traditionnelle met dans la main du Baptiste au désert. Le dialogue entre la statue et la croix est ici parfaitement juste.

 Le plus étonnant, dans cet ensemble, est la douceur qui émane de l’acier. Sa patine cirée lui donne des reflets de vieux cuir et les tranches des dalles, découpées au chalumeau (oxycoupage) accrochent la lumière de façon particulièrement sensible. La douceur de l’éclairage venu du sol contribue à cette ambiance chaleureuse, paradoxale quand on pense que cet espace se résume à des murs blancs et de l’acier.

 Seuls peut-être les enfants de la région, menés là-haut en pèlerinage chaque année par le curé de Château-Arnoux, se souviendraient de cette chapelle, si une association n’avait eu le courage et l’énergie de mener à bien cette œuvre de restauration et de création. Le miracle (le deuxième depuis la fondation de la chapelle au XVIIème siècle) se produisit en 1988, avec la rencontre d’un enfant du village, devenu un artiste de renommée internationale, vivant et travaillant à New-York : Bernar Venet.

Dès le début du projet, il accepta d’offrir gratuitement sa contribution : la conception de l’ensemble et la réalisation de certaines pièces du mobilier. Une seule condition : il demandait " carte blanche ". La profonde culture chrétienne de l’artiste, la bienveillance du clergé local et la ténacité de l’association contribuèrent à cette réussite. Le coût de l’acier et de sa technique particulière de découpe nécessita un patient travail de mécénat. L’œuvre n’est d’ailleurs pas entièrement achevée, puisque Bernar Venet projette encore de créer un tableau à l’entrée de la chapelle : dans une fine épaisseur de boue faite de terre et d’eau du Jourdain, il voudrait qu’un doigt (il espérait celui de Jean-Paul II) écrive cette phrase : " Jean n’était pas la lumière, mais le Témoin de la lumière ". Un clef pour comprendre son œuvre.

 

Chroniques d’Art sacré N° 88 – Hiver 2006

 

Le sens spirituel de l’art dans les églises :

 

Une œuvre d’art contemporain dans une église … Cherche-t-on une nouvelle utilisation pour nos édifices religieux ?

Certains, habitués à voir nos églises déjà utilisées comme salles de concert ne s’étonneront pas. D’autres, fidèles à venir célébrer et se recueillir en ce lieu, pourront s’inquiéter de cette intrusion dans le cadre de leur vie spirituelle.

Mais écoutons ce que l’église nous dit d’elle-même. Elle ne veut pas se réduire à n’être qu’un chef-d’œuvre du patrimoine, ni même seulement un simple endroit propice à la méditation, les yeux fermés. L’église, dans on architecture et sa beauté mêmes, est une partie intégrante de la liturgie chrétienne. Au même titre que l’eau fraîche du baptême, l’huile parfumée, le pain et le vin de l’eucharistie. La liturgie, pour la foi des chrétiens, est constituée d’expériences sensibles dans lesquelles Dieu se donne à nous : le parfum de l’encens, le son des chants, le goût du pain, le chatoiement des vitraux deviennent réellement des expériences spirituelles, des expériences de Dieu.

Dieu s’est fait homme, " le Verbe s’est fait chair ", pour rendre Dieu perceptible à nos sens corporels et se donner à l’homme dans son corps, par ses sens.

Un chemin de lumière s’est ainsi ouvert dans la création, dans la matière, pour qu’à travers elle, Dieu descende vers l’homme, et l’homme monte vers Dieu. Chemin de lumière qui pénètre nos sens, et qui ouvre, en celui qui s’y abandonne, un chemin secret par lequel Dieu lui-même peut nous rejoindre.

Voilà l’enjeu véritable de la présence d’œuvres d’art dans une Eglise. Et que cette œuvre soit romane, baroque ou contemporaine, cela ne change rien : cette présence est spirituelle.

L’art contemporain, dans sa vocation à toucher les sens le plus directement possible –pensons au rouge pur des vitraux de Salagon, à l’acier brut du mobilier de Bernar Venet à Château-Arnoux, … - , serait même particulièrement apte à nous apprendre à nous accueillir cette présence spirituelle dans l’expérience sensible.

Frère Philippe Markiewicz

Moine à l’abbaye de Ganagobie.

 

 

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Commentaires
Les Amis de la chapelle Saint-Jean-Baptiste à CHATEAU-ARNOUX/SAINT-AUBAN
  • Saint Jean-Baptiste : En beaucoup d'endroits en Provence, ce nom évoque de grandes fêtes, mais aussi des lieux très particuliers. Et c'est bien le cas à Château-Arnoux, où la chapelle Saint-Jean domine le plateau. Ce blog vous invite à découvrir ce lieu.
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